UE : les juges français sont les moins sanctionnés

La France est l'un des pays européens qui rechignent le plus à sanctionner ses magistrats : c'est l'un des enseignements du lourd travail effectué par le Conseil de l'Europe

Si ce vaste travail de collecte des données européennes, effectué par la Commission européenne pour l'efficacité de la justice, ne permet pas toujours une comparaison stricto sensu de systèmes judiciaires aux fonctionnements différents, il offre néanmoins une base d'évaluation.

Comme en 2004, le nombre de sanctions disciplinaires prononcées à l'égard des juges reste faible dans l'Hexagone au regard de la pratique des autres pays. En 2006, 14 magistrats ont été sanctionnés en France, contre 29 en Allemagne, 26 en Autriche, 66 en Italie, 41 au Portugal, par exemple.

Si l'on rapporte ce chiffre au nombre de magistrats dont s'est doté chaque pays, le «taux de sanction» en France se situe en toute fin de peloton européen, avec 1,5 sanction pour 1000 magistrats. Moins d'une dizaine de saisines ont été engagées.

Une absence de responsabilité des juges largement soulignée par Nicolas Sarkozy lorsqu'il était ministre de l'Intérieur puis pendant sa campagne présidentielle.

La réforme des institutions permet désormais à tout justiciable de saisir directement le Conseil supérieur de la magistrature.

En France, le fait même de déclencher une poursuite disciplinaire est exceptionnel.

Seul le garde des Sceaux et les chefs de cour - c'est-à-dire la haute hiérarchie - depuis 2001 en ont le pouvoir.
«Les chefs de cour ne le font quasiment jamais, explique Christophe Regnard de l'USM (syndicat majoritaire) car en réalité seule la Chancellerie peut diligenter une enquête, via l'inspection des services judiciaires.»

«Il y a quelques années, reprend-il, l'USM avait demandé que toutes les juridictions fassent l'objet d'un contrôle… Ce n'est pas pour rien. Nous savons parfaitement qu'il peut y avoir des problèmes.»

Magistrats au comportement déplacé, ivres à l'audience ou accumulant de longs mois de retard dans leur travail… les quelques scandales de ces dernières années ont surtout souligné l'inertie de la machine judiciaire face à ses dysfonctionnements.

Le rapport de la Commission européenne note que la sanction la plus fréquemment infligée à travers l'Europe est la réprimande.

Cependant, les manquements aux obligations des procureurs se soldent dans 13 % des cas par des sanctions financières - qui n'existent pas en France. Par ailleurs, les procédures intentées sont principalement basées sur une insuffisance professionnelle (36 %), une faute déontologique, mais aussi un délit pénal - or, en France, dans ce cas, un magistrat sera d'abord poursuivi devant un tribunal plutôt qu'au disciplinaire.

La réforme des institutions prévoit que tous les justiciables pourront porter directement leur plainte devant le Conseil supérieur de la magistrature. Une telle faculté reste très rare à travers les pays étudiés. «Le système ne fonctionnera que si le Conseil supérieur de la magistrature est doté de moyens d'enquête propres», avertit Emmanuelle Perreux au Syndicat de la magistrature.

Beaucoup de professionnels craignent également un afflux de plaintes. Certaines estimations tablent sur plusieurs milliers de dossiers par an - c'est-à-dire beaucoup plus que la poignée de poursuites actuelles…

Source le Figaro

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