Depuis sa prison, la mère d'Elise crie sa détresse

La mère d'Elise: Je ne renoncerai jamais

Irina Belenkaya

Exclusif. Irina Belenkaya, arrêtée avec sa fille en Hongrie, tout près de la frontière ukrainienne, est une mère prête à tout. Elle nous livre, pour la première fois, sa version des faits et des choses, depuis l'enlèvement d'Elise le 20 mars à Arles, jusqu'à son arrestation le week-end dernier, dans le bras de fer qui l'oppose à son ancien compagnon, Jean-Michel André.

Comment se passe votre incarcération depuis votre arrivée à Budapest mercredi dernier?
Quand vous vivez un enfer, prison ou pas prison, comment se sentir? Mais bon, je suis bien traitée, on m'a même apporté du shampooing en attendant que je reçoive un colis avec des vêtements neufs. La cellule est très propre, je la partage avec trois Hongroises. Elles sont gentilles. J'essaie d'apprendre quelques mots de leur langue pour discuter, mais c'est très limité encore comme conversation. Elles avaient de toute façon une petite idée de qui j'étais en arrivant, elles avaient vu la télé.

Vous avez reçu de la visite?
Non, et je préfère que ma famille ne vienne pas. Je ne veux pas qu'ils me voient ici. Ma fille aînée, Sacha, âgée de 8 ans [née d'une première union en Russie], ne sait même pas où je suis. Elle croit que je suis en voyage.

Face au juge qui a statué sur votre sort mercredi à Budapest, vous avez dit que vous pensiez agir en toute légalité, que vous étiez dans votre droit d'emmener votre fille.
Je n'aurais jamais imaginé atterrir dans une cellule hongroise. C'est vrai, j'ai reçu quelques jours seulement avant de partir en France une assignation en divorce qui stipulait que je n'avais pas le droit de faire sortir ma fille du territoire français. Mais un tribunal russe m'a confié la garde de ma fille. Donc, au regard de la loi russe, je n'ai rien fait d'illégal. Quelle alternative avais-je de toute façon? Quand j'ai compris qu'il n'y avait plus de solution et que nous étions dans une impasse, j'étais décidée à récupérer Lisa [Irina Belenkaya n'appelle pas sa fille Elise]. Une petite fille de trois ans doit vivre avec sa mère.

"Une petite fille de 3 ans doit vivre avec sa mère"

Comment vous êtes-vous organisée?
Je suis venue en France quelques jours avant le 20 mars, je ne sais plus quand exactement. J'ai loué une voiture à Avignon. J'étais toute seule. J'ai d'abord surveillé les allées et venues de M. André. Je voulais savoir ce qu'il faisait. J'ai dormi dans la voiture, trois nuits je crois.

Vous avez aperçu votre fille?
Une seule fois, elle sortait de la crèche. Mais j'ai essayé de ne pas regarder. C'était trop difficile de ne pas pouvoir l'approcher. J'avais un objectif: connaître l'emploi du temps de son père, savoir quand il partait puis quand il revenait. Le 20 mars, j'ai garé la voiture et je l'ai attendu. Il est apparu sur son vélo, avec Lisa. J'étais sûre qu'il appellerait la police en me voyant arriver. Alors j'ai enfilé une perruque blonde pour qu'il ne me reconnaisse pas tout de suite. J'avais peur aussi car je savais qu'il portait toujours sur lui un couteau.

Qu'est-ce que vous avez fait ensuite?
Il m'a vue. Il a essayé de prendre quelque chose dans son sac. J'ai eu peur, j'ai tout de suite pensé au couteau. Ce n'était pas le couteau mais un pistolet. Il a commencé à crier. Tout est ensuite allé très vite. Deux hommes passaient par là - je ne les connaissais pas -, ils ont pris ma défense. Ils se sont interposés, se sont battus avec M. André. Pendant ce temps, j'ai pris ma fille par la main et je l'ai fait monter dans la voiture. J'ai démarré et je me suis adressée en français aux deux hommes, en leur disant: "Montez, montez!" Ils sont venus. Je les ai laissés dans le centre de Montpellier. Depuis, je n'ai pas de nouvelles d'eux. Je ne sais pas comment ils s'appellent.

Vous n'aviez donc jamais vu ces hommes-là avant?
Non. [Elle ne veut pas en dire plus.]

Et votre fille dans tout ça?
Je sais bien que c'est une situation difficile pour elle. Depuis le mois de septembre, je n'ai pu lui parler que cinq fois. Et à chaque fois en français. C'étaient les conditions de M. André. Avant, Lisa parlait parfaitement le russe. Elle a tout oublié. Quand je lui demandais pourquoi elle ne parlait qu'en français, elle me répondait que son père lui disait que le russe était la langue des porcs. Les conversations étaient très courtes. Et elle parlait bizarrement, comme si elle était endormie. En fait, comme si elle avait été droguée. J'étais très inquiète. Quand je l'ai récupérée, il a fallu que je lui coupe les cheveux tellement ils étaient emmêlés. Je lui ai acheté des vêtements. Elle portait un pantalon rafistolé avec du Scotch. Et ses chaussures étaient trop grandes pour elle.

Elle vous a reconnue avec votre perruque blonde?
Non. Elle a eu peur. Elle s'est demandé qui j'étais. Elle pleurait, je l'ai prise dans mes bras. Cela faisait si longtemps... Elle ne comprenait pas pourquoi il y avait eu une bagarre, pourquoi son père avait été frappé. Ce n'est pas normal d'en arriver là. Une petite fille n'a pas à vivre ça.

Vous avez quitté la France le jour même?
Oui. J'ai rendu la voiture à Montpellier et j'ai jeté la perruque. J'ai pensé prendre un train pour l'Espagne, puis de là peut-être un avion en direction de Moscou. Mais ce jour-là en France, il y avait une grève et tout était bloqué. J'ai réussi à monter dans un train qui nous a emmenées en Suisse.

Où dormiez-vous?
Nous avons passé deux nuits à l'hôtel à Zurich. Ensuite, nous avons pris un autre train en direction de l'Allemagne. J'ai des amis là-bas qui nous ont accueillies quelques jours [elle ne souhaite pas dire où]. Le 11 avril, nous sommes parties en voiture à la tombée de la nuit. Mes amis ont accepté de nous emmener en Hongrie, jusqu'à la frontière ukrainienne, en passant par l'Autriche. Ils nous ont déposées dans le centre de Nyiregyhaza [nord-est de Budapest], à 90 kilomètres de la frontière. Là, j'ai pris ma fille par la main et nous avons marché, espérant que quelqu'un nous prenne en stop. C'est là qu'un monsieur s'est arrêté, il nous a conduites jusqu'à la frontière. A quelques mètres de l'Ukraine, les douaniers ont contrôlé mon passeport...

"Je veux juste une vie normale et qu'on me rende ma fille. J'ai une vie correcte à Moscou, un emploi de géologiste stable et bien payé"

C'est à ce moment-là que vous avez été arrêtée...Les policiers hongrois ne savaient pas qui j'étais et ils ont contrôlé mes papiers comme ils vérifient ceux de tout le monde. Ils ont pris le document, regardé leur ordinateur. Puis ils m'ont demandé d'attendre un peu. C'est là qu'ils ont vu qu'un mandat d'arrêt international était délivré contre moi.


Ils m'ont arrêtée, passé les menottes. Ma fille pleurait: "Mama, mama, pourquoi t'ont-ils attachée?", me disait-elle. Les policiers avaient l'air désolés. Ils ont pris Lisa. Je sais qu'ils ne pouvaient pas faire autrement, la France la réclamait. Mais encore une fois, elle a été emmenée loin de moi.

Mais vous saviez que vous étiez recherchée?
Il était difficile de ne pas le savoir. En Allemagne, j'ai vu des photos de ma fille partout dans les journaux. Et je consultais Internet. Je me tenais au courant.

Pendant le voyage, avez-vous pris des précautions particulières pour vous cacher de la police?
Pas vraiment. Une fois à Zurich, j'ai eu un peu peur, il y avait des policiers partout. Mais ils n'étaient pas là pour moi. Je n'avais pas de faux papiers, mon passeport est un vrai et ma fille est inscrite dessus. Avant la frontière ukrainienne, je n'ai pas eu à montrer mes papiers. On ne m'a jamais rien demandé.

Vous ne regrettez pas toute cette folie?
Tout cela est arrivé parce que j'aimais cet homme. Nous nous sommes rencontrés en Inde, il était normal à cette époque. Puis je l'ai suivi en France. Il voulait absolument un enfant. Moi j'avais déjà Sacha. Finalement, je suis tombée enceinte. Au bout du troisième mois, il m'a dit qu'il n'en voulait plus. Mais c'était trop tard pour avorter. C'est pour ça aussi que je suis partie la première fois en Russie, il ne s'occupait plus de moi. Il n'était pas là le jour de l'accouchement, le 2 novembre 2005. Mais je le tenais au courant. Après la naissance, on a mis quinze jours à se mettre d'accord pour un prénom. Il n'est venu la voir qu'au bout d'un mois. Il est resté trois jours puis il est reparti. C'est fou, elle lui ressemble incroyablement...

Pourquoi êtes-vous ensuite revenue en France?
Au début je ne voulais pas, mais M. André m'a suppliée au téléphone de revenir. Il pleurait tout le temps. J'ai cédé. Il a réussi à m'obtenir une carte de séjour. Mais la vie en France était trop difficile. Il a arrêté de travailler, nous n'avions pas d'argent. Nous vivions chez ses parents, sa mère me détestait et me le faisait bien sentir. Un matin, alors que Lisa n'avait que quatre mois, il a soudainement disparu. Il était parti avec ma fille. J'ai attendu. Au téléphone, il ne me donnait aucune explication, m'assurant que Lisa allait très bien, qu'elle était à Lyon. Je ne comprenais rien. Au bout de deux jours, je lui ai finalement dit que j'allais appeler la police. Il a réapparu, ma fille aussi. C'est là que j'ai pensé qu'il fallait que je retourne définitivement en Russie. Je suis partie en 2007. Puis, en septembre 2008, il est revenu la chercher... Je n'ai jamais pu obtenir un droit de visite.

Qu'espérez-vous aujourd'hui?
Je veux juste une vie normale et qu'on me rende ma fille. J'ai une vie correcte à Moscou, un emploi de géologiste stable et bien payé. Je me réveille à 6 heures et je rentre le soir à 19 heures. Je n'ai pas besoin de son argent. Lisa pourrait ainsi vivre sous le même toit que sa soeur - elles ne se sont pas vues depuis cinq mois -, son père pourrait venir la voir quand il le veut. Je lui ai même proposé de payer les billets d'avion de sa fille pour qu'elle aille le voir en France. Mais il ne veut rien entendre, il ne veut plus qu'elle mette un pied en Russie.

Aujourd'hui vous risquez en France sept ans de prison...
Je m'en fous. La seule chose qui m'importe, ce sont mes filles.

Propos recueillis par Elsa GUIOL
Le Journal du Dimanche - 18 Avril 2009-

Le journal du Dimanche

24 avril 2009

Irina Belenkaya, à propos de son ex-mari : "S'il ne s'arrête pas là c'est la mort de l'un d'entre nous qui l'arrêtera"

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Source :Souce RTL

Le journaliste François Vignolle a rencontré, pour l'émission 50 minutes inside sur TF1, Irina Belenkaya, actuellement incarcérée à Budapest

24 avr. 2009

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Source :Souce RTL

Lettre ouverte à Jean-Michel André

Nominé pour la Prix Nobel de la paix en 2007, le docteur russe Léonide Rochal*, pédiatre du monde a écrit une lettre ouverte à Jean-Michel André, père d'Elise, l'invitant à réfléchir à l'avenir de la petite fille au lieu de la séparer de sa mère.

Affaire Elise : Lettre ouverte