OUI à la pénalisation des clients de la prostitution
- Etre client, c'est être un des acteurs de la prostitution, qui est un esclavagisme -
Roselyne Bachelot, ministre en charge des Solidarités, a déclaré son intention de pénaliser les clients de la prostitution. Au coté de l'association le Nid, qui vient en aide aux personnes prostituées, nous sommes POUR une mesure qui permettrait de « changer les regards sur la prostitution ». Non ce n'est pas "normal de voir des êtres humains se vendre pour subvenir à leurs besoins, c'est juste inhumain de l'accepter.
Nous publions ici l'article de Morgane Deschamps, jeune bénévole et militante de l'association le Nid, crée dans les années 30 par le Père André-Marie Talvas, qui milite pour une société sans prostitution.
Se payer une personne prostituée c'est financer le commerce d'êtres humains
La prostitution, violences et préjugés
par Morgane Deschamps, dimanche 3 avril 2011
Roselyne Bachelot propose une loi pour pénaliser les clients des prostituées, on entend tout types d'arguments, qu'il convient d'éclairer...
On parle de la prostitution comme le « plus vieux métier du monde », « même dans le Bible ! » disent certains. Il y a un contre sens énorme, la prostitution n'est pas le plus vieux métier du monde, puisque par essence ce n'est pas un métier.
C'est certes, une activité qui existe depuis des siècles, mais ce n'est pas un métier. Dans les mentalités on tend à ce que ça le devienne, et notamment en Allemagne, aux Pays-Bas, en Australie, en Autriche, en Grèce, où la prostitution est réglementarisée (1). C'est-à-dire que l'on assiste à l'essor d'entreprises du sexe, où le patron dispose d'employées par l'intermédiaire d'un contrat de travail. La prostitution est légalisée, et est source de profit.
C'est notamment ce que dénonce l'association « Le Mouvement du Nid » (2) créée dans les années 30 en France. Elle a pour objectifs d'aider les personnes prostituées, d'informer et de prévenir l'opinion publique. Car trop souvent les individus ont des préjugés sur les personnes qui se prostituent. Ce sont d'abord des « putes », des femmes vulgaires, des femmes qui « aiment ça », qui « consentent ». Toutes ces idées reçues, ces jugements sont à bannir. La prostituée est exclue de la société et considérée comme une « moins que rien ».
La plupart des personnes qui se prostituent le font soit parce qu'elles ont de sérieux problèmes financiers, ce sont des mamans qui ne peuvent pas subvenir aux besoins de leur enfant, ou ce sont aussi des jeunes femmes qui ont subi des violences sexuelles étant plus jeune et la prostitution est vue par elles comme un moyen de se venger, de « faire payer » les hommes.
Etant une jeune bénévole au Mouvement du Nid, j'ai entendu des témoignages très douloureux sur les réseaux
Le problème de la prostitution est complexe. D'autant plus que les personnes qui pratiquent la prostitution sans être prisonnières des réseaux sont bien moins nombreuses que celles victimes des proxénètes.
Les réseaux de prostitution sont en effet un véritable enfer. L'Europe est une plaque tournante où beaucoup de jeunes femmes de l'Est sont emmenées, violées et mises sur le trottoir.
Etant une jeune bénévole au Mouvement du Nid, j'ai entendu des témoignages très douloureux sur les réseaux. Par exemple des femmes se font violer pendant des jours, elles sont détruites et ne sont plus que de la marchandise pour les proxénètes qui en font ce qu'ils veulent.
Ces filles, de l'Est de l'Europe plus particulièrement, restent quelques semaines dans un pays, puis sont mises dans un autre. Elles n'ont pas de vie. Elles sont réduites à des objets sexuels.
Je n'oublirais jamais ce premier client... le poids de son corps moite sur le mien... C'était horrible, je n'avais qu'une envie... m'enfuir.
Alors on dit en cela que le projet de loi de R. Bachelot (3) est mal venu car il faudrait d'abord démanteler ces réseaux de prostitution avant de pénaliser les clients.
Je suis bien d'accord, ces réseaux doivent être stoppés, les proxénètes doivent être amenés devant la justice pour traite d'humain. Tout en sachant que les réseaux de prostitution sont liés aux réseaux de vente de drogues et d'armes, et que la corruption est un obstacle en plus pour faire cesser cette mafia.
Mafia qui d'ailleurs se sert également de mineurs, de jeunes enfants filles ou garçons.
Parfois, des femmes contraintes à se prostituer par manque d'argent sont violentées sur les trottoirs, et les proxénètes non loin de là leur proposent alors leur protection. Et le réseau continue ainsi. C'est sûr que le proxénète semble protecteur puisqu'il veille à ce que les clients n'abîment pas la marchandise !
La personne qui se prostitue n'est donc pas une personne qui aime cela, pas plus qu'elle n'est libre.
L'argument selon lequel on est libre de disposer de son corps dénonce le fait qu'interdire la prostitution aurait pour effet de nier la liberté de chacun. Bien entendu la liberté est un droit fondamental mais qui connaît des limites, et notamment la limite de la dignité humaine.
Démontrer que la liberté de l'homme va jusqu'à ce qu'il se nie est un laxisme intolérable. La liberté n'est pas sans limite, au-delà se trouve le respect de l'humain, la dignité, le droit d'être respecté. Or la personne prostituée, qu'elle soit femme ou homme (bien qu'il ait très peu d'hommes, sinon des hommes en femmes !) n'est pas respectée, elle est bafouée, violentée et surtout elle est esclave d'un système qui range la femme au statut d'objet. La prostituée n'est pas libre. Ainsi, dire que les prostituées se prostituent car elles ont la liberté est un non sens.
Pas de prostitution «sans demande»!
Ce sont les mentalités qui sont à changer sur la prostitution.
Dès l'enfance, faire comprendre l'égalité entre l'homme et la femme, que l'un n'est pas au dessus de l'autre, que les plaisirs sexuels ne sont pas des choses tabous, ni obscures mais des liens entre les hommes et les femmes, entre les femmes elles-mêmes, et entre les hommes eux mêmes pour les homosexuel(lle)s.
Faire comprendre que le corps n'est un objet pour personne, et que l'on ne peut pas imposer un rapport sexuel à une personne, étant donné que les personnes prostituées ne font pas cela pour le rapport mais pour l'argent qu'elles vont gagner, le consentement n'est pas véritablement donné.
«Ce qui est choquant, ce n'est pas le sexe, c'est l'argent», scandait une affiche du Mouvement du Nid (4) . Il a par ailleurs été démontré qu'un rapport imposé est comme un viol.
Pour reprendre sur la proposition de R. Bachelot, il semble juste de pénaliser le client, après avoir travaillé sur l'opinion publique. C'est le cas de la Suède où l'on entend dire dans les médias que cet Etat pénalise le client. C'est exact, mais avant cela et ce pendant des années il y a eu de la prévention, notamment dans les écoles. Tout un programme pour sensibiliser les citoyens à ce sujet. Cela ne s'est pas fait en quelques mois.
De plus, pénaliser le client permet de clarifier le fait que ce n'est pas la personne prostituée qui est coupable, mais bien victime de la société. Car trop souvent, les personnes prostituées prises pour délit de racolage en France sont emmenées en garde à vue alors que le client reste indemne. Par exemple dans une ville du sud de la France, les prostituées africaines sont souvent emmenées en garde à vue, elles vivent dans la peur, alors que les clients, même s'ils sont vus par les autorités sont relâchés immédiatement.
C'est tout un système qui est à revoir. Tant sur la question féminine, que d'un point de vue social, où dans la société les plus démunis sont toujours exclus de la société.
Le projet de R. Bachelot est une avancée. Il faut espérer que des campagnes de prévention vont voir le jour, que les féministes vont gagner du terrain pour que l'égalité entre les hommes et les femmes s'applique concrètement.
Et que les personnes prostituées soient aidées, et non plus vues comme des ombres de la nuit mais bien comme des êtres humains qu'il convient de respecter et de rendre leur Dignité.
Morgane Deschamps (Féministe, Pacifiste ;)Blog de l'auteur
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