Rapport GREVIO 2019 / France

Violences faites aux femmes : le Conseil de l’Europe épingle la France

Les chiffres liés aux violences faites aux femmes et l’impunité des agresseurs demeurent préoccupants....

Ce rapport du GREVIO est le premier à se pencher sur la mise en oeuvre par la France de la Convention du Conseil de l'Europe concernant la lutte contre la violence envers les femmes (dite Convention d'Istanbul*).

SOS les Mamans & les Enfants a été auditionné pour ce rapport, avec d'autres associations de la société civile. Nous avons eu le "privilège" d'avoir une audience privée pour deux mamans victimes afin qu'elles puissent livrer leur parcours, fait de violences, d'injustices et de défaillances lourdes des services de l'Etat (police et justice) quant à leur protection et celle de leur(s) enfant(s).

*La Convention d’Istanbul, adoptée par le Conseil de l’Europe en 2011, est entrée en vigueur en 2014 et a été signée par l’UE en juin 2017. Il s’agit du premier instrument international de ce type: les États qui ratifient la Convention doivent mettre en œuvre une série de normes complètes et juridiquement contraignantes en vue de prévenir la violence à caractère sexiste, de protéger les victimes et de punir les agresseurs. La France l'a ratifiée le 4 juillet 2014.

A noter dans ce rapport :


Si "l'intérêt de l'enfant" est en principe la vertu cardinale de tout jugement, il demeure malmené voire inexistant car trop rarement appliqué dans les décisions sur les droits de visite et de garde, comme le constate le Grévio, pour lequel «l'exercice conjoint de la parentalité est un moyen pour l'agresseur de continuer à maintenir l'emprise et la domination sur la femme et sur les enfants».

Concernant les mesures de protections des femmes et des enfants victimes de violences intrafamiliales, si des dispositions législatives existent comme  «l'ordonnance de protection», devant permettre la mise à l'abri des victimes durant six mois, elle «ne s'applique pas à toutes les formes de violence - contrairement aux exigences de la convention d'Istanbul» - et son application «varie considérablement selon les tribunaux».  Entré en vigueur il y a neuf ans, ce dispositif civil reste inappliqué par les acteurs de la justice, avec environ 3000 demandes contre près de 40.000 en Espagne, qui a depuis longtemps mis en place des mesures concrètes , comme les tribunaux spécialisés qui traitent en 72 heurs les cas de violences intrafamiliales. 

Extraits :

  • Droit de garde et de visite (article31)

page 61

"...le retrait de l’autorité parentale de l’auteur des violences reste exceptionnel, même en cas de condamnation pénale définitive, et ce malgré la persistance du danger encouru par la mère et l’enfant. En dehors des cas de retrait de l’autorité parentale, l’exercice conjoint  de  la  parentalité,  notamment  sous  la  forme  de  la  résidence  alternée,  est généralement maintenu, en méconnaissance de la tendancedes parents auteurs des violences à instrumentaliser l’autorité parentale dans le but de maintenir leur contrôle et emprise sur leur ex-conjointe  et  leurs enfants "

page 63

"Le GREVIO exhorte les autorités françaises à prendre les mesures nécessairespour que le règlement des droits de garde et de visite prenne en compte les violences auxquelles sont exposés les enfants et le risque de continuation des violences après la séparation, y compris le danger d’un passage à l’acte meurtrier."


  • Violences sexuelles

page 66

"Par ailleurs, le GREVIO s’inquiète des insuffisances du traitement judiciaire des violences sexuelles. Les données statistiques révèlent que seul 12%des femmes victimes de viol ou de tentative de viol portent plainte,et le nombre de condamnations ne représente que 1% du nombre de cas estimés de viols, un taux en baisse de 40% depuis 2007.

En outre, un grand nombre de viols (de l’ordre de 70 à 80% des plaintes selon le rapport remis au GREVIO par les associations spécialisées) échappent à la condamnation en tant que telleen raison de la pratique judiciaire dite de correctionnalisation


  • Interdiction des modes alternatifs de résolution des conflits (médiation) ou des condamnations obligatoires (article48) 

page 70

"la médiation pénale repose dans tous les cas sur un accord entre la victime et l’auteur de l’infraction. Elle est par ailleurs exclue en cas de violences conjugales, sauf si la victime en fait la demande expresse et ne peut avoir lieu si de nouvelles violences sont commises. En outre, une circulaire du 4 octobre 2010 pose le principe de la présomption de non-consentement à la médiation pénale en cas de saisine du juge aux affaires familiales en vue d’une ordonnance de protection. Les praticiens du droit ont relaté au GREVIO que,dans les faits, la victime est rarement à l’origine d’une demande de médiation car celle-ci lui est généralement proposée par les magistrats. Dans de telles circonstances, le risque est que l’acceptation par une victime de la médiation ne dissimule en réalité son incapacité ou hésitation à refuser, par peur de violences futures ou de représailles de la part de l’auteur des violences"

  • Enquêtes, poursuites, droit procédural et mesures de protection

page 73

"Au vu des divers éléments issus de la procédure d’évaluation, le GREVIO constate une tendance à continuer à faire peser principalement sur la victime la responsabilité d’apporter les preuves des violences subies. (...) 
Il conviendrait de  recourir systématiquement à d’autres sources de preuve, en veillant à enregistrer toute blessure, aussi légère soit-elle, en photographiant la scène du crime, en interrogeant les voisins et d’autres témoins, ainsi que la victime et l’auteur, en toute impartialité, et indépendamment l’une de l’autre. Le classement sans suite des affaires de violences pour défaut de preuves ne devrait être envisageable, en principe, qu’à la suite du déploiement d’efforts dans ce sens par les services responsables des enquêtes et des poursuites."


Taux de condamnation

  • "Les données statistiques disponibles116 indiquent qu'en 2017, 16 829 auteurs hommes ont été condamnés pour  violences  conjugales,  alors que le nombre  de victimes  enregistrées  par  les services répressifs était de 98 570." 

page 76

  • Ordonnances d’urgence d’interdiction et ordonnances d’injonction ou de protection (articles52 et53) 

page 78 

"L’évaluation du GREVIO a  permis  de constater que  ce  dispositif  présentait de  nombreuses faiblesses, ce qui pourrait contribuer à expliquer qu’il soit peu sollicité, et encore plus rarement accordé."

En savoir plus...

Violences faites aux femmes en France : il faut mieux protéger les victimes et leurs enfants et renforcer les moyens de lutter contre les violences.