Faire face aux violences conjugales

Agression verbale, psychologique, physique, sexuelle : la violence conjugale se décline sous différentes formes. Des dispositifs ont été mis en place pour aider les victimes à se défendre.

Au début de son mariage, Sylvie était heureuse. Mais quelques années plus tard sont venus le manque de respect, la volonté d'emprise de son conjoint, les colères pleines de haine et les agressions verbales, de plus en plus fréquentes.
"La violence conjugale s'inscrit toujours dans le temps, elle a lieu dans l'intimité et c'est le même mécanisme qui se met en place et qui conduit la même personne à une volonté de détruire l'autre", explique l'équipe du Centre national d'information sur les droits des femmes et des familles (CNIDFF).

Sylvie n'avait pas conscience de ces signes avant-coureurs. Elle se sentait coupable, et son conjoint l'accusait d'avoir causé son emportement. Depuis quelques mois, il lève la main sur elle.

Un phénomène d'ampleur nationale

La situation de Sylvie est loin d'être unique. 40 507 violences non mortelles entre conjoints ont été rapportées en 2006 par les services de police, et 137 décès de femmes tombées sous les coups de leur compagnon ont été enregistrés (soit en moyenne un décès tous les trois jours). "C'est un phénomène d'ampleur nationale qui touche tous les milieux sociaux", ne manque pas de souligner l'équipe du CNIDFF.

Des atteintes à la personne

Chacun doit "intégrer que la violence conjugale est un fait inacceptable puni par la loi", insiste Marie Bellanger, responsable du service Violences conjugales Femmes Info Service géré par la Fédération nationale Solidarité Femmes. La qualité de conjoint, de pacsé ou de concubin n'est pas une circonstance atténuante. Au contraire, elle constitue un facteur aggravant des "atteintes volontaires à la personne".

Une victime doit avoir en tête qu'elle peut toujours contacter les services de secours (police ou gendarmerie) pour solliciter leur intervention à l'occasion d'une scène de violence. Mais si elle souhaite saisir la justice pour obtenir la condamnation de son agresseur, il lui faut porter plainte en se rendant au commissariat ou à la brigade de gendarmerie de son choix (ou en adressant un courrier au procureur de la République).

Se faire épauler

En pratique, "les femmes sont rarement en capacité d'agir seules ou, si elles le font, leur plainte se révèle souvent insuffisamment étayée", souligne Marie Bellanger. Mieux vaut donc qu'elles se fassent épauler. Elles peuvent, par exemple, composer le 39 19 ou joindre le CIDFF de leur département: un accompagnement et un suivi leur seront proposés.

Si la victime ne sent pas prête à déposer plainte, elle a tout de même intérêt à signaler les situations de violence dont elle fait l'objet par des déclarations de main courante au commissariat de police. Ces déclarations pourront être utilisées dans le cadre d'une procédure ultérieure.

Par ailleurs, il est toujours conseillé de rencontrer un médecin (privé ou hospitalier). C'est d'abord se donner la possibilité d'être soignée et aussi l'occasion de solliciter « un certificat médical attestant les préjudices corporels et psychologiques subis », relève l'équipe du CNIDFF. Enfin, les déclarations de la victime auront toujours plus de poids si elles sont confirmées par des témoignages écrits, datés et signés de ses proches (famille, voisins, amis…).


Rester ou partir ?

Psychologiquement, dénoncer son conjoint est loin d'être simple. À cela s'ajoutent des considérations matérielles, car la victime qui franchit le pas est bien souvent conduite à quitter le domicile conjugal. C'est pourquoi la loi a mis en place un "référé-violence" (article 220-1, alinéa 3, du Code civil) qui permet de saisir en urgence le juge aux affaires familiales afin d'obtenir l'éviction du conjoint violent et l'attribution du logement conjugal, avant toute procédure en divorce.

Une fois rendue la décision du juge, la victime doit néanmoins déposer rapidement une requête en divorce (dans les quatre mois). À défaut, toutes les mesures dont elle bénéficie deviennent caduques. "Il est regrettable que cette procédure soit très peu utilisée en pratique", souligne l'équipe du CNIDFF.

Si la victime a déposé plainte, le juge pénal saisi du dossier peut aussi, dans le cadre d'un contrôle judiciaire (avant toute condamnation), prononcer l'éviction du conjoint, concubin ou partenaire pacsé violent et lui interdire, le cas échéant, de retourner à son domicile ou de se rendre aux abords immédiats de celui-ci.

La question de l'autorité parentale

En pratique, bon nombre des personnes qui subissent des violences préfèrent quitter le domicile accompagnées des enfants. Elles le font souvent sans autorisation judiciaire. Ces victimes ont néanmoins intérêt à saisir le juge aux affaires familiales afin qu'il statue sur les modalités d'exercice de l'autorité parentale.

Elles doivent aussi penser à emporter leurs documents officiels (carte d'identité, livret de famille…) et importants (chéquiers, quittances de loyer, bulletins de salaire, carte d'assuré social…), ainsi que les éléments de preuve dont elles disposent. Si aucun proche ne peut les héberger, elles peuvent s'adresser à une structure d'accueil.

Enfin, lorsque "partir" implique de quitter son emploi, "les Assedic assimilent ce départ à une démission légitime. En pratique, cela signifie que la personne concernée peut bénéficier d'une indemnisation au titre du chômage si elle en remplit les autres conditions (durée de cotisation par exemple) et si elle a porté plainte", souligne l'équipe du CNIDFF.

+Les enfants : des témoins qui souffrent

La violence conjugale a des conséquences sérieuses, dans l'immédiat comme à long terme, sur tous les membres de la famille. Quel que soit l'acte de brutalité commis, les enfants sont à coup sûr affectés… Leur santé physique et leur équilibre émotionnel sont systématiquement mis en péril par ces scènes de violence.

"Même s'ils ne reçoivent pas des coups en direct, ils n'en demeurent pas moins des victimes puisque leurs parents ne sont plus en mesure de jouer leur rôle", regrette Marie Bellanger. La personne qui pense que son partenaire constitue un danger pour ses enfants peut contacter les cellules de signalement au titre de l'aide sociale de son département ou saisir le juge des enfants. Ces instances disposent d'une certaine latitude pour mettre en œuvre des mesures de protection.

Aider ses proches pour briser le silence

Si vous êtes témoin de scènes de violence conjugale, n'hésitez pas à vous rapprocher de la victime : incitez-la à réagir et à se faire aider psychologiquement ; envisagez avec elle toutes les solutions et soutenez-la pour qu'elle fasse état de sa situation autour d'elle (amis, voisins…).

Vous pouvez aussi prévenir un travailleur social de la mairie ou du département, ainsi que les services de police ou de gendarmerie. Enfin, pensez à contacter le 39 19 pour obtenir une aide ou à joindre une association spécialisée dans la lutte contre ces violences.

Le viol conjugal : un crime sanctionné

La violence conjugale peut se manifester par une violence sexuelle. Il arrive que certaines femmes soient victimes de leur partenaire parce qu'elles ont à subir des relations intimes sous la contrainte ou la menace, parfois même accompagnées de brutalités physiques, d'insultes, de scénarios pornographiques humiliants…

Le Code pénal punit ces faits de viol, et aggrave la peine encourue lorsque l'auteur de ce crime est le conjoint de la victime, son concubin ou son partenaire de Pacs. Celui-ci encourt alors vingt ans de prison.

Source: Dossier familial fevrier 2008

Adresses utiles

Écoute, information et orientation des femmes victimes de violences conjugales : composer le 39 19 (coût d'un appel local) du lundi au samedi de 8 heures à 22 heures (les jours fériés de 10 heures à 20 heures).

Violence conjugale Femmes Infos Service : documentation par Internet sur fnsf.doc@wanadoo.fr.

Centre national d'information sur les droits des femmes et des familles (CNIDFF) : information gratuite et personnalisée et adresses des antennes locales sur www.infofemmes.com.

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